De nombreuses personnes, tel un certain Sigmund Freud évoquant un « continent noir », pensent que la sexualité de la femme est un mystère. À mon avis, on pourrait simplifier le sujet, en avançant qu’il existe d’un côté, ceux qui aiment le sexe, les sexophiles, de l’autre, ceux qui ne l’aiment pas, les sexophobes et entre les deux, les intermittents du sexe.

Je suis souvent critiqué par ceux qui ont horreur qu’on mette les gens « dans des cases ». Mais, pour ma part, cette façon de faire facilite beaucoup la compréhension du comportement sexuel des humains, femmes et hommes. Par ailleurs, ces cases ne sont pas si hermétiques que cela. Tout un chacun peut passer d’un degré de sexophilie à un autre, tout au cours de sa vie. Certains sont sexophobes et asexuels et, ils ont le droit de l’être. Il ne faut pas les pousser à suivre une sexothérapie ; ce sera peine perdue.

Et que fait-on avec les autres quand ils ont des troubles sexuels ? On les aide à s’en sortir. On montre à nos clients ou patients le chemin pour régler leurs troubles sexuels. Mais, on peut aussi leur suggérer, si l’alliance thérapeutique le permet, qu’ils peuvent s’épanouir sexuellement. Comment y arriver ? Comment expliquer les étapes à suivre ? Pour ce faire, j’utilise la Sexualité Positive que j’ai mise en place pour expliquer la « physiologie » de la sexualité.

Dans l’optique de la Sexualité Positive, le sexe, c’est bon pour la santé.

La Sexualité Positive

La sexualité est l’ensemble des comportements relatifs à la satisfaction des besoins érotiques. La Sexualité Positive prône un mieux-être sexuel. L’épanouissement sexuel est à la portée de tous… à condition de le désirer, d’être curieux et motivé. Mais avant tout, il faut pouvoir se dire : « Le sexe c’est bon pour moi, bon pour mon propre bonheur ». Les gens qui utilisent la sexualité juste pour faire plaisir à l’autre, tôt ou tard, ils l’abandonnent. La sexualité n’a rien d’exceptionnelle ; c’est, tout simplement, une façon comme une autre de prendre du plaisir. Le gastronome prend du plaisir en mangeant, l’œnophile en dégustant du vin, le cinéphile en regardant un film, le mélomane en écoutant de la musique, le sportif en pratiquant son sport préféré et le sexophile en faisant l’amour. La sexualité est considérée comme une ressource personnelle positive. Elle n’est pas naturelle, elle s’apprend et se découvre lentement, au gré de ses expériences. À 20 ans, on n’a pas la même sexualité qu’à 40, 60 ou 80 ans. Elle a la particularité, le plus souvent, de se bonifier avec l’âge. Elle est destinée à soi-même, à son propre bonheur dans la « sexualité personnelle », sinon, dans le meilleur des cas, a surtout pour but de partager son épanouissement avec son partenaire dans la « sexualité relationnelle ».

L’éducation sexuelle, dans la sexualité positive, vise à se former pour arriver à aimer le sexe, à optimiser sa satisfaction sexuelle, à réussir à être un jour sexophile et à atteindre, si possible, la compétence sexuelle : c’est-à-dire, acquérir les capacités de donner du plaisir à un autre, de recevoir de l’excitation (au niveau génital) et de prendre du plaisir (au niveau du cerveau).

Les bases de la Sexualité Positive

La Sexualité Positive constitue une synthèse de la psychologie positive, des bases théoriques de la santé sexuelle et de l’hédonisme. Elle met l’accent sur l’épanouissement affectif et sexuel des individus et des couples.

La psychologie positive. Née dans les années 1960, la psychologie positive a acquis aujourd’hui ses lettres de noblesse : au traitement des maladies mentales, elle oppose l’apprentissage du bonheur. Elle a été lancée par Martin Seligman, professeur de psychologie à l’Université de Pennsylvanie. Il pense que la psychologie a trop concentré ses efforts à comprendre et traiter les maladies mentales et moins à comprendre l’épanouissement humain (Seligman M, 2011). Le bonheur n’est pas quelque chose qui arrive à l’improviste ; il doit être préparé, cultivé et protégé par chacun (Csikszentmihalyi M, 2004). Les meilleurs moments de la vie ne sont pas ressentis lorsque la personne est passive ou au repos, mais quand le corps ou l’esprit sont utilisés jusqu’à leurs limites dans un effort volontaire en vue de réaliser quelque chose de difficile et important. Le corps peu entraîné, l’œil insensible, l’oreille non musicale, le palais grossier, bref les sens sous-développés apportent une information chaotique et des sensations frustes. Si les fonctions du corps ne sont pas développées, la vie a peu de valeur, est morne et triste. Il faut donc développer tous ses cinq sens, surtout dans la Sexualité Positive. L’érotisme est à la sexualité ce que le sport est à l’activité physique. Il semble assez difficile de conserver l’enchantement de la sexualité au cours d’une relation durable à moins de découvrir de nouveaux défis en compagnie de l’autre et d’apprendre de nouvelles aptitudes qui enrichissent la relation (Csikszentmihalyi M, 2004).

La santé sexuelle

La sexualité positive répond aux critères de l’OMS (1975) de la santé sexuelle :

  • intégration des aspects somatiques, émotionnels, intellectuels et sociaux du bien-être sexuel;
  • être en accord avec une éthique sociale et personnelle ;
  • être libérée de la peur, honte, culpabilité, préjugés qui peuvent inhiber la réponse sexuelle ;
  • au niveau organique, elle suppose une bonne santé des organes sexuels qui mène à une réponse physique correcte avec une capacité d’éprouver du plaisir et d’avoir un (des) orgasme(s) ;  
  • au niveau fonctionnel, elle suppose que la personne vit bien dans son corps, se reconnaît dans son propre corps ; elle prévoit l’acceptation de soi, de se plaire comme on est, en apprenant à vivre avec d’éventuels défauts physiques et ceux liés à l’âge ;
  • la rencontre sexuelle exige le consentement libre et conscient de l’autre.

La description que donne le professeur de sexologie québécois André Dupras(2007) du but de la sexologie, s’accorde très bien avec les buts recherchés dans la Sexualité Positive : « Notre finalité ne serait plus de rétablir la santé sexuelle de quelqu’un qui n’en a cure, mais d’aider des amateurs (au sens étymologique) à se perfectionner, évoluer, se développer. Le but de la sexologie ne serait plus alors une impossible thérapie, mais l’épanouissement affectif et sexuel de personnes intéressées à vivre pleinement l’art de la rencontre sexuelle, et peut-être à faire de leur vie affective et sexuelle une véritable œuvre d’art ».

L’hédonisme

L’hédonisme est une doctrine philosophique qui fait du plaisir le but de l’existence. Bien des gens le confondent avec l’épicurisme, doctrine qui veut ramener les désirs au strict nécessaire afin de conserver la tranquillité de l’âme (Onfray M, 1991). Le philosophe allemand Ludwig Feuerbach (1804-1872) définit la philosophie hédoniste en ces termes : « Si vous voulez améliorer les hommes, rendez-les heureux ; mais si vous voulez les rendre heureux, allez aux sources de tous les bonheurs, de toutes les joies – aux sens. La négation des sens est à la source de toutes les folies, les méchancetés et les maladies qui peuplent la vie humaine. L’affirmation des sens est la source de la santé physique,morale et théorique ».

L’individu soucieux d’hédonisme cessera de considérer son corps comme un étranger. Il le soignera et essaiera de lui donner du plaisir. Libérés du souci de procréer, les hommes et les femmes des temps modernes pourraient partager les plaisirs d’une sexualité hédoniste. Le goût des bonnes choses vient progressivement avec l’âge et avec une évolution de la sexualité personnelle vers l’âge mûr et l’âge d’or (Psalti I, 2007). Pour les adeptes de la sexualité hédoniste, les rapports sont charnels autant que spirituels. Ces sujets se développent individuellement, se préoccupent de l’autre tout en l’érotisant et permettent à l’amour de s’exprimer.

Développer les 3 activités sexuelles

Quand on parle sexualité, beaucoup ne pensent qu’à une sorte d’activité sexuelle : la relation sexuelle entre deux personnes. Pourtant, outre la « sexualité relationnelle », il existe aussi la « sexualité personnelle ». Dans cette dernière, se trouvent deux activités sexuelles bien distinctes : entrer dans des fantasmes et s’adonner au plaisir solitaire.

Les personnes adeptes de la Sexualité Positive pratiquent, pendant toute leur vie, ces trois activités sexuelles : fantasmes, masturbation, relation sexuelle.

En Occident, les personnes qui ont la chance de vivre assez longtemps, ont comme activité principale, l’utilisation des fantasmes et ce, jusqu’à plusieurs fois par jour. Plus une personne a du désir sexuel, plus elle fantasme. En plus, la majorité des humains pratique tout au long de leur vie, plus de masturbations que de relations sexuelles. Quand on parle d’éducation sexuelle, malheureusement on n’enseigne pas aux jeunes comment « bien » se masturber. Or, c’est souvent leur seule activité sexuelle. Alors, comment bien pratiquer les trois activités sexuelles pour obtenir une bonne satisfaction?

Le fantasme

Le fantasme sexuel est une représentation mentale consciente qui déclenche une émotion sexuelle et facilite l’émergence du désir sexuel. Il s’agit d’images, statiques ou en mouvement, profondément enracinées dans la sexualité de l’individu, qu’il utilise régulièrement pour stimuler son désir. Il a comme fonction de maintenir le désir sexuel, de provoquer une excitation… que la personne cherchera à apaiser par un orgasme suite à une masturbation ou à un coït. Il pimente le quotidien pour empêcher la routine de s’installer.

Il fait l’économie de la réalité et remplit une fonction de compensation pour rendre tolérables certains désirs inavouables. Les personnes ayant une bonne santé sexuelle, comprennent bien la notion de « sac à fantasmes » : un sac rempli pendant toute sa vie de fantasmes variés et ayant un pouvoir érotique fort, c’est-à-dire qui permettent une réponse sexuelle (érection et lubrification) intense. À partir d’un certain âge, quand commencent les troubles sexuels, quoi de mieux, pour retrouver une réponse sexuelle adéquate pendant les préliminaires et le coït, que de rentrer dans un fantasme fonctionnel, pour poursuivre l’acte sexuel… à condition d’avoir son sac à fantasmes plein.

Durant la vie, certains fantasmes s’épuisent, perdent de leur pouvoir érotique ; c’est pour cette raison que chaque personne soucieuse de sa santé sexuelle est amenée à enrichir sa vie fantasmatique en trouvant de nouveaux fantasmes.

La masturbation

Chez l’adolescent, la masturbation est en général le premier acte sexuel, qualifiée d’acte d’amour de soi. C’est aussi un âge qui offre peu de réalisations possibles en couple. Le plaisir solitaire structure sa sexualité, permet de soulager ses tensions sexuelles…sans risque de grossesse et sans crainte d’IST (infection sexuellement transmissible). Il lui permet d’éprouver différentes sensations, d’essayer différents touchers qui lui procurent du plaisir et lui font découvrir les réactions de son corps. La plupart des jeunes s’adonnent souvent à la masturbation parce que leurs pulsions sont intenses. Pour des adultes qui n’ont pas de rapports, elle permet de conserver une activité sexuelle pendant toute la vie. D’autre part, la plupart des adultes, vivant en couple, même s’ils ont une sexualité épanouie, ont souvent recours au plaisir solitaire. Il s’agit d’une activité sexuelle utile à leur épanouissement personnel. En France, 87 % des hommes (Brenot Ph, 2011) et 68 % des femmes (Brenot Ph, 2012) en couple continuent à se masturber.

Certains jugent inadmissible qu’une personne en couple se masturbe, au lieu de « s’occuper » de son partenaire et… prennent ça comme une tromperie. Il n’en est rien évidemment. La masturbation sert aussi à nourrir sa vie fantasmatique. Parfois, on ne veut pas se lancer dans une relation sexuelle : on est fatigué et on veut juste s’occuper de soi ; on n’a pas la force de procurer du plaisir à l’autre ; on n’est pas sûr que le ou la partenaire ait du désir, etc. La masturbation permet donc d’évacuer sa pulsion sexuelle à moindre effort.

Dans mon expérience clinique, je me rends compte que les gens qui n’utilisent que la sexualité relationnelle présentent plus souvent des troubles sexuels. En sexothérapie, on travaille beaucoup sur les fantasmes et la masturbation. Quand ces personnes n’ont pas ces deux activités sexuelles, en absence de partenaires et de relations sexuelles, elles ont une chute de libido, accompagnée souvent chez les hommes de problèmes d’éjaculation rapide et de dysfonctions érectiles et les femmes, de troubles de lubrification et du manque de désir. Quand l’absence d’acte se prolonge, les troubles peuvent devenir irréversibles. Ainsi, les autres activités sexuelles, surtout la masturbation, servent à maintenir le corps en éveil et la machinerie fonctionnelle. En utilisant les bonnes techniques de masturbation, on s’habitue à diffuser l’excitation dans tout le corps, de façon adéquate.

Les bonnes techniques de masturbation féminine Les Françaises se masturbent par stimulation manuelle du clitoris (73 %), frottement du corps sur un support (lit, draps, coussin, accoudoir fauteuil) (21 %), contraction des jambes (16 %), stimulation vaginale : avec les doigts (26 %) ou avec l’utilisation de sex toys (21 %) ; beaucoup aiment bien le jet de douche (Brenot Ph, 2012). La ‘mauvaise‘ technique, c’est le mode d’excitation dit ‘archaïque’ (Desjardins JY, 2007) : arriver à une décharge orgastique en contractant les muscles qui entourent ses parties génitales et en faisant une pression sur son bas ventre et sur ses parties génitales, en serrant les jambes et en s’aidant parfois d’un coussin. La ‘bonne‘ technique, c’est le mode d’excitation ‘ondulatoire’ où la personne vit son excitation sexuelle dans un corps fluide, souple, dans un mouvement diversifié et dans différents tonus musculaires et attitudes confortables, en faisant des mouvements amples sans se raidir. Puisqu’elle est dans un confort corporel, elle peut avoir accès à un plus grand champ de conscience et à des sources de plaisir sexuel et de volupté sexuelle. Et avec l’autre main, elle caresse les autres parties érogènes (seins, vagin, périnée, anus…), pour diffuser l’excitation sur plusieurs endroits de son corps.

Les bonnes techniques de masturbation masculine. L’action qui déclenche la satisfaction consiste, chez l’homme, à frotter sa verge avec la main (va-et-vient de la main ou du corps) ou sur un objet (draps, oreiller, vibromasseur, jet de douche). Le plus souvent, il masse avec la main la hampe du pénis ou la couronne du gland par un mouvement de va-et-vient. Ainsi, la ‘bonne’ technique consiste à mimer au mieux le coït : comme le vagin est en général humide, prendre l’habitude de lubrifier le pénis pendant la masturbation. Ne pas appliquer sur l’organe toujours la même pression (des fois forte, des fois lâche), ni faire des va-et-vient à la même vitesse (changer de lent, à rapide et vice et versa). Quand l’homme pénètre une femme, il introduit soit toute la verge, soit le gland. Pendant la masturbation, des fois on caresse tout l’organe, des fois l’extrémité. Et avec l’autre main, il caresse les autres parties érogènes (tétons, bourses, périnée, anus…) du corps. Pendant la masturbation, afin de mimer au mieux la rencontre sexuelle à deux, aussi bien la femme que l’homme peuvent également basculer le bassin.

Antoinette, 27 ans, consulte dans un centre de PMA pour une infertilité d’origine « inexpliquée ». En fait, elle cache la raison de son infertilité. Cette dernière est découverte par le gynéco après plusieurs consultations : anéjaculation coïtale de son conjoint. Le centre envoie Antoine, 28 ans, chez un urologue qui lui demande comment ça se passe pendant la masturbation. Il dit qu’il arrive à éjaculer à ce moment-là. Le patient m’est alors adressé pour une « anéjaculation d’origine psychogène ». Lors de l’anamnèse sexologique, Antoine me rapporte qu’il s’est masturbé pour la première fois, à 12 ans, en se mettant sur le ventre, en frottant son pénis sur le drap. Ejaculation fabuleuse ! Trouvant cela agréable, il recommence l’expérience trois fois de suite. Le lendemain, sa maman l’appelle pour lui montrer l’état du drap, avant de le réprimander. Il doit trouver une solution : un essuie-main, qu’il utilise quelquesfois (qu’il cache bien à la vue de sa mère) avant de le mettre dans la machine à laver. Vers 15 ans, l’essuie-main étant trop lisse, il s’arrange pour en trouver un, qui n’est pas lavé avec un adoucissant. A 18 ans, il loge dans un campus universitaire et se fait une collection d’essuies de plus en plus rêche. Il ne prend jamais son pénis en main lors d’une séance solitaire. De plus, il n’a jamais pu éjaculer dans un vagin, vu que sous son pénis s’est formé… un cor ! En fait, l’urologue ne l’a pas examiné, persuadé que l’origine de son problème est psychologique. « Dis-moi comment tu te masturbes, je te dirai qui tu es », me dis-je. Evidemment, son anéjaculation n’a rien de psychogène mais plutôt une mauvaise façon de se masturber. On a mis presque deux ans pourqu’il arrive, avec la bonne technique décrite ci-dessus, à éjaculer avec sa main et avec des va-et-vient dans un vagin.

Le rapport sexuel

Quand on parle du rapport sexuel, on entend par là sexe à deux, englobant les préliminaires, les caresses, les jeux sexuels avec ou sans sex-toys, les pénétrations (orales, vaginales, anales), les positions, etc. Pour être en harmonie sexuelle dans un couple, il faut être sur la même longueur d’onde au moins aux niveaux de la libido et de la demande de fantaisies sexuelles. Si l’un aime faire l’amour une fois par mois, le 3ème samedi du mois, à 10 heures du soir, dans la chambre à coucher, sur le lit conjugal, lumière éteinte, sans enlever le pyjama, pénétration vaginale en missionnaire, 2-3 mouvements et hop… l’affaire est bouclée ; par contre, si l’autre aime faire l’amour au moins cinq fois par semaine, à n’importe quelle heure, à l’intérieur de la maison comme à l’extérieur et ce, partout, en utilisant tous les orifices, en révisant son Kâma-Sûtra, en faisant durer le plaisir le plus longtemps possible, il y a de forte chance que ce couple ne s’entende pas dans sa sexualité. Le comportement sexuel est fonction du caractère de l’individu, de sa façon d’être, des expériences qu’il a vécues, de la relation qu’il a eue avec ses parents, de son histoire sexuelle et de l’entente dans son couple.

Comment atteindre la compétence sexuelle ?

Comme on l’a déjà vu, est défini compétent sexuel, celui qui sait donner, recevoir et prendre du plaisir sexuel. Il s’agit donc d’un apprentissage qui peut parfois prendre des années. Certes, il existe des personnes plus douées que d’autres, comme certains qui ont plus l’oreille musicale que d’autres. Il faut d’abord savoir que le « bon baiseur » ou la « bonne baiseuse » universels n’existent pas. Michel peut être un très bon amant pour Micheline, mais un piètre partenaire sexuel pour Joséphine. Le bon amant, la bonne maîtresse n’est pas seulement la personne qui fait jouir son partenaire. C’est celui (celle) qui se révèle être le meilleur support des attentes de tendresse, de communication et des fantasmes de l’autre. Bref, c’est celui (celle) qui comble son partenaire. Donc, il s’agit du « donneur » de plaisir. Le compétent sexuel doit aussi être capable de « recevoir » et de « prendre » du plaisir La compétence sexuelle est accessible aux personnes qui développent leur « intelligence sexuelle », c’est-à-dire qui ont la capacité de connaître et de maîtriser leur sexualité et de comprendre celle du partenaire. Le compétent sexuel, c’est le sujet qui a appris comment fonctionne son corps, c’est celui qui l’a érotisé et dompté. Il connaît aussi le fonctionnement sexuel de sa/son partenaire, l’a érotisé, est à son écoute, utilise au mieux les techniques amoureuses apprises, fait l’effort de se rappeler ce que l’autre aime.

Avant de décrire les étapes que doivent franchir les personnes afin de développer leur compétence sexuelle, commençons par un exemple : 

Lydia, 30 ans, consulte pour un DSH (désir sexuel hypoactif). Elle cohabite depuis cinq ans avec son copain. Les premiers mois, elle prétend qu’elle avait beaucoup de désir sexuel, mais que celui-ci s’est épuisé avec le temps. Après deux ans de vie commune, ils étaient à une fréquence de dix rapports annuels, et la dernière année, à zéro ! Elle veut remédier à la chose. Le sexologue qui se trouve face à un tel cas doit connaître avant tout l’histoire sexuelle de la personne : quand ont commencé ses trois activités sexuelles et quelle a été leurs fréquences aux différents moments de sa vie ? Il s’avère que Lydia n’a pas de fantasmes et ne s’est jamais masturbée de sa vie. Premier rapport sexuel à 19 ans et puis, beaucoup de désir sexuel (prétend-elle) entre 20-23 ans et puis, ça s’épuise. Ce qui m’intéresse évidemment c’est cette période de trois ans, que s’est-il passé ? Elle dit qu’elle a eu beaucoup de rapports sexuels…. avec environ deux cents partenaires ! Elle était sur le campus universitaire et elle s’éclatait… elle avait beaucoup de désir sexuel ! Je lui rappelle que le désir sexuel, c’est pour obtenir du plaisir sexuel. Était-ce son cas ? Non, mais elle est fière de « tout faire » au lit. Je lui demande si elle prenait du plaisir aux fellations, pénétrations vaginales, sodomies. Non ! Avait-elle des orgasmes ? Non ! Alors, pourquoi continuait-elle… pourquoi tant de partenaires ? C’était sa façon d’attirer les hommes. Elle est loin de la Sexualité Positive. Sa seule motivation était de plaire et de séduire les hommes. Et d’ailleurs, comment voulez-vous qu’elle obtienne du plaisir avec un corps qui n’est pas formé au plaisir sexuel, qui n’est pas érotisé. Avant de s’éclater dans la sexualité, autant les femmes que les hommes doivent franchir plusieurs étapes consécutivement ou travailler sur ces étapes en même temps.

1. Découverte de son corps. Prenons les femmes. Les exercices consistent à se regarder nue dans la glace. Avant de le faire, on se relaxe : quoi de mieux qu’un bain ou une douche chaude, sentir la sensation de l’eau et de la mousse sur son corps. Puis, passer devant la glace à se regarder 5 à 10 minutes sous tous les angles, puis, se toucher et se  
caresser à l’aide d’une crème ou de l’huile. S’attarder plus longtemps sur les zones qu’on n’aime pas, qu’on ne trouve pas à priori belles. Enfin, aller à l’exploration de son entre-jambe avec un petit miroir : écarter les lèvres externes ; reconnaître les lèvres internes, le capuchon du clitoris, le soulever pour faire apparaître le clitoris ; voir où se trouve le méat urinaire par rapport au vagin, introduire un doigt dans le vagin pour voir les sensations que provoque une pression du doigt, serrer le vagin pour emprisonner le doigt, explorer le plancher pelvien et l’anus…

2. Érotisation de son corps. On doit pouvoir se dire : « Mon corps m’appartient. Je suis responsable de ma santé générale… et de ma santé sexuelle ; pour cela je dois apprendre à érotiser mon corps ». Érotiser un endroit de son corps veut dire toucher cette partie, puis un message part du cerveau pour signaler que cette caresse est érotique et le corps réagit par une excitation sexuelle : érection chez l’homme et lubrification chez la femme. Si on veut avoir une bonne santé sexuelle, on doit avoir un bon potentiel érotique et on devrait érotiser le maximum de parties de son corps, surtout les zones érogènes comme les parties génitales, les tétons, l’anus, le pelvis et pourquoi pas d’autres zones comme les cuisses, les orteils, le lobe de l’oreille, etc. Toute partie du corps est érotisable… si on la travaille à cet effet. La capacité de ressentir du plaisir sexuel dépend de la capacité de la personne d’intégrer certaines perceptions et émotions, de les coder comme érotiques tout en étant capable de les diffuser à l’ensemble du corps mais aussi de les canaliser vers l’espace érotique interne, comme l’utérus ou le vagin. Les conditionnements et les renforcements associés à ces zones érogènes sont importants. Quoi de mieux pour y arriver que la méthode de « mindfulness», c.-à-d. la pleine conscience (Pleine conscience et acceptation, 2011).

Lâcher prise pour prendre du plaisir et obtenir de la satisfaction sexuelle

L’acte sexuel est meilleur s’il s’effectue dans un contexte émotif et physique favorable et s’enrichit de la qualité du lien amoureux. L’abandon se traduit par la capacité de lâcher prise, de laisser sa conscience de l’environnement s’estomper, de relâcher son contrôle sur la réalité, de se laisser emporter par le plaisir et dans  
le plaisir, de laisser ses pulsions suivre leurs cours. Cela demande de la confiance en soi et à l’autre, de même qu’une vision saine du sexe.

… et enfin, améliorer son image corporelle. Pendant tout ce processus, pour arriver à la compétence sexuelle, le sujet doit travailler à l’amélioration de son image corporelle. L’image corporelle est la représentation mentale que l’on se fait de son propre corps, à laquelle s’ajoutent les sentiments, les pensées et les jugements qu’il suscite en soi. Cette image se forme dans la petite enfance, puis par les expériences successives du regard (regard de soi dans la glace ainsi que le regard de l’autre, du père pour sa fille par exemple). Tout être humain souhaite construire une image qui le valorise. D’abord s’accepter soi-même pour ensuite se faire accepter des autres et se donner une apparence qui permette d’atteindre cet objectif. Pour bien vivre sa sexualité, on a besoin d’un corps dans lequel on se sent bien, dont on a pu apprivoiser le fonctionnement, bref un corps qu’on aime ! Le mindfulness est un très bon outil pour y parvenir (Pleine conscience et acceptation, 2011).

Les couples sexuellement assortis

Comme je l’ai déjà souligné, au niveau sexuel, dans un couple, on doit s’entendre sur la fréquence et les fantaisies sexuelles. Pour évaluer où on se situe en termes de compétence sexuelle, prenons deux couples assortis (présentés dans un de mes ouvrages : Psalti I, 2011) en faisant des analogies. La sexophilie, ici, je ne vais pas la comparer à l’œnophilie ou à d’autres plaisirs, mais à une pratique de sport, au football professionnel.

Claude et Claudette. Claude, bel homme, genre macho, aime rouler les mécaniques quand il se promène dans la rue. Claudette, la belle blonde, ne passe pas non plus inaperçue. Aussi bien la gent masculine que féminine se retournent avec envie sur son passage. Elle aime mettre en valeur son corps et fait fantasmer les hommes comme une bombe sexuelle. Ils disent aimer faire l’amour… une à deux fois par mois. « Je n’aime pas les tralalas pendant l’acte, ça doit être simple », avoue-t-elle. Entendez, en missionnaire et vite fait. C’est parfait pour Claude qui est sur la même longueur d’onde. Le couple est bien assorti et s’entend bien.  

Au lieu de s’investir dans la sexualité, ils passent leur temps à sculpter leur corps. C’est leur choix et je le respecte. Disons, par analogie sexualité-foot, qu’on se trouve face à des joueurs qui ne jouent pas en Ligue 1 ni en Ligue 2, mais en National.

Clément et Clémentine. La relation de Clément avec son épouse est empreinte de respect, d’amour, de complicité et d’empathie depuis trente ans. A longueur de journée, il la touche, l’embrasse, lui dit qu’il l’aime. Il partage avec elle toutes les bonnes choses que la vie leur a données : les enfants, les amis, les repas, les hobbies, etc. Ils sont hédonistes, sexophiles et à l’âge d’or sexuel tous les deux. Au début des préliminaires, il laisse le temps à sa Clémentine d’être charmée, de se sentir en confiance, de le désirer et de s’exciter. Ses mains et sa bouche accompagnent la découverte du corps de sa dulcinée pour, après quelques minutes, s’attarder sur des endroits plus stratégiques. Il connaît les pratiques et caresses qu’elle aime. Quand il la sent prête, il la pénètre avec de l’agressivité phallique. Ses mouvements de reins sont parfois lents, parfois plus rapides, selon le désir de Clémentine. Il adore les gémissements profonds qu’elle émet à cet instant. Plus elle prend du plaisir, plus il en prend. Il se ressource de son plaisir. Une fois qu’elle a joui, elle prend la relève et s’occupe de lui. Elle aime aussi le voir en jouissance, quand il vit un bon orgasme. Disons qu’on est face à des joueurs de Ligue 1.

Les couples sexuellement non-assortis

Disons que Clément et Claudette se rencontrent sexuellement, ; ce ne sera qu’un one-shot. Clément se plaindra de se retrouver avec une femme qui fait « l’étoile de mer » et la pauvre Claudette souffrira des positions et caresses variées que demande Clément et surtout d’un coït qui dure « trop » longtemps. Pour Claude et Clémentine, ça ne marchera pas non plus. Voyant cette femme pro-active au lit, sexophile, soit il éjacule très vite, soit il débande, à cause de son angoisse de performance provoquée par ses questionnements : « mais c’est quoi cette nymphomane » ? Notre Clémentine sera aussi vite déçue de cet incompétent sexuel. Clément peut amener Claudette en Ligue 1, Clémentine peut en faire autant avec Claude. Pour ce faire, deux conditions : ceux qui sont en Ligue 1 veuillent bien faire l’entraineur pour ceux du National, mais ces derniers doivent impérativement être curieux et motivés. Surtout, ils doivent être convaincus que le sexe, contribuera à leur bonheur personnel.

Et vous, dans quelle Ligue jouez-vous ?

Quand dans un couple, cela marche sexuellement, c’est qu’on joue dans la même Ligue. Sinon, on n’est pas assorti. C’est ça qu’il faut savoir pour comprendre la sexualité des humains. Tout au long de la vie, on peut passer d’une Ligue à une autre. Si on est bien entraîné, on peut même jouer en Champions League (difficile pour un joueur de National et même de Ligue 2). On peut être blessé. Chuter de Ligue. Jouer en réserve si on n’est pas bien entraîné. Le footballeur s’entraîne avec ses coéquipiers, joue des matchs avec eux, des fois fait seul de la musculation.

Le sexophile compétent se contente parfois d’un quicky (le footeux en match amical), aime de temps en temps faire la fête à deux (le footeux sur le terrain pour un match important), parfois il se masturbe (le footeux fait seul du fitness). Je ne crois pas que les grands sexophiles et compétents puissent jouer tous les jours en Champions League (même Lionel Messi ne peut y arriver). Au niveau sexuel, toutle monde ne joue pas dans la même Ligue.

Une fois qu’on fait cette analogie, on peut mieux comprendre la sexualité humaine. Les personnes ont des compétences sexuelles différentes, les joueurs de foot ont des compétences sportives différentes. En s’entraînant, on peut passer de National en Ligue 1… surtout si comme co-équipier on a un joueur de très bon gabarit, qui nous poussera vers l’avant, pour atteindre même le niveau de la Champions League. On pourrait parfois être moins performant, fatigué ou blessé et descendre de Ligue. On peut alors s’entrainer seul pour se rétablir et retrouver la forme, sinon on fera partie de l’équipe de réserve. Les analogies aident à comprendre certaines situations. Il faut les considérer comme telles.

Le traitement par la Sexualité Positive

Pour aider nos patient(e)s à atteindre un épanouissement sexuel, à une sexothérapie doivent être ajoutés une thérapie de couple et une aide à un épanouissement personnel (confiance en soi, estime de soi, gestion de ses émotions, amélioration de l’image corporelle, etc.). Puis, pendant la thérapie du trouble sexuel spécifique, apprendre aux gens à érotiser leur corps, celui de l’autre et à utiliser les trois activités sexuelles avec les bonnes techniques.

Pour bien comprendre la sexualité du patient qui est face à moi, j’essaie d’abord de simplifier mon approche en utilisant ces cases (sexophilie, compétences sexuelles). Cependant, il est évident que le comportement sexuel est plus complexe quand on prend en compte les diverses dysfonctions, surtout dans le cadred’une prise en charge sexothérapeutique.

Les gens qui atteignent les objectifs de la Sexualité Positive :
  • ont trouvé le bonheur personnel
  • utilisent toutes les activités sexuelles (fantasmes, masturbation, rapports sexuels)
  • ont bien érotisé leur corps
  • ont amélioré leur image corporelle
  • ont développé une bonne entente sexuelle dans la relation
  • vivent en général dans un couple heureux.

Je vous en souhaite tout autant.