La valeur du respect fait l’unanimité. Tous les parents veulent que leurs enfants et leurs adolescents soient respectueux et ils souhaitent les respecter en retour. Pourtant, après avoir rejeté avec légitimité certaines valeurs de l’autoritarisme, bon nombre de parents se retrouvent pris au piège des valeurs qui ont mené au règne des enfants rois. Comment conjuguer la considération pour l’autre sans en manquer pour nous-mêmes? Le respect mutuel est-il possible dans la relation éducative?

Vivre en cohérence

Il n’y a aucune recette miracle. Puisqu’il s’agit d’attirer des sentiments positifs à notre égard, nous devons nous appliquer à devenir une personne digne de respect, ce qui touche un éventail de qualités humaines à développer.

Parmi elles, évidemment, montrer du respect à nos enfants est primordial. Personne n’aura envie de considérer quelqu’un qui lui parle avec mépris, qui ne l’écoute pas, qui juge ses larmes ou ses peurs, qui ne reconnaît pas son unicité, qui le voit comme moindre. Honorer la différence, écouter vraiment, accepter l’imperfection et valoriser l’autre est un défi quand la personnalité de notre enfant dérange notre quotidien ou heurte nos valeurs les plus précieuses. Ceci dit, le laisser « être » ne signifie pas le laisser « faire » ce qu’il veut. Je peux écouter la colère intense de mon adolescent sans toutefois permettre qu’il me méprise. Je peux accepter l’aspect lunatique de mon enfant sans accepter d’arriver en retard au travail parce qu’il manque de concentration dans sa routine matinale.

Miser sur l’authenticité

Aussi, pour attirer le respect, l’authenticité est primordiale. Nos enfants, comme nos adolescents, ne sont pas dupes des personnages derrière lesquels nous tentons de dissimuler nos imperfections ou ce que nous considérons comme nos faiblesses. Un parent qui pleure, qui a peur, qui fait une erreur dans une intervention parentale, qui échoue, qui a des limites, bref un parent humain qui, avec discernement, se montre tel qu’il est, a plus de chance de susciter des sentiments positifs à son égard parce qu’il crée la sécurité dans la relation. Être imparfait ne pose aucun problème quand on est parent, pourvu que nous nous efforcions d’être un modèle cohérent en faisant ce que nous leur demandons, à eux, de faire : se remettre en question, s’améliorer, donner le maximum, persévérer, s’excuser sincèrement quand ils ont tort, arrêter de tout critiquer, y compris l’autre…

Quoi qu’il en soit, le respect n’est pas une qualité à sens unique. Notre rôle de parent exige que nous fassions régner des valeurs par des règles et des limites et que nous nous fassions respecter en tant qu’individu. 

Selon le Larousse, le respect est « un sentiment qui nous porte à considérer quelqu’un avec de grands égards ». Le respect est donc un sentiment, par conséquent il ne s’impose pas, il s’attire. Mais comment? 

Rester solides face aux réactions de l’autre

Inspirer le respect à nos jeunes exige de les aimer certes, mais sans toujours leur donner des câlins, des permissions, des compliments ou en leur faisant plaisir. On doit également assumer nos règles, nos valeurs, nos limites et nos besoins jusqu’au bout quand nous savons qu’ils sont justes, même si nos trésors nous boudent, menacent de ne plus nous aimer, ne nous parlent plus pendant un certain temps, nous argumentent ou même nous rejettent.

Ne soyons pas naïfs! Aucun enfant, aucun adolescent, qu’importe leur niveau de maturité, n’approuveront nos règles si elles briment leur liberté. Il est utopique de croire que parce que nous aurons été assez gentils et convaincants dans nos explications, notre adolescente nous remerciera de l’obliger à rentrer à minuit alors qu’elle avait demandé plus tard. Rien ne sert d’espérer que notre enfant exprimera de la gratitude si nous le privons de son temps d’ordinateur, même s’il comprend que nous faisons ça pour son bien.

Un parent qui attire le respect ne cède pas par peur du conflit, même quand c’est difficile, il se tient debout, reste ferme et bienveillant, car nos enfants en ont besoin.

Être ferme n’est pas être dur

Ne confondons pas « être ferme » et « être dur ». La dureté résulte de la fermeture du cœur, du manque d’amour et d’un irrespect à l’égard de l’autre. C’est une expression de la faiblesse de notre nature humaine. Crier, punir de façon réactive, dénigrer, culpabiliser, bousculer ou même faire mal n’inspire pas le respect, mais la peur.

La fermeté vient au contraire d’une force intérieure nourrie par le respect et l’amour de soi d’abord, puis par l’amour profond et véritable que nous vouons à nos enfants. Elle est fondée sur notre certitude que notre enfant vaut bien plus que la médiocrité, sur notre foi en ses ressources et sur le respect que nous avons à son égard. Alors que la dureté envers un enfant témoigne d’un manque de contrôle, la fermeté, au contraire, exige un contrôle de soi affiné et mature qui prend racine dans la considération que nous nous accordons à nous-mêmes.

Attention aux spécialistes des failles!

On n’attire pas le respect d’autrui quand on manque de considération envers soi. Si, plutôt que d’assumer nos valeurs, nous cédons au doute ou à la peur de la réaction de l’autre; si au lieu de nous assurer que nos besoins et nos limites sont traités avec égard, nous abdiquons sous la culpabilité ou l’impuissance qui sera le gardien du respect de nous-mêmes? Personne! Surtout pas notre enfant, spécialiste des « failles » de maman, de celles de papa et surtout de celles du couple-équipe que nous formons. Ces failles, ou obstacles intérieurs, sont d’ailleurs la raison pour laquelle le même enfant peut, par contre, écouter sa mère du premier coup et son père au 100e; qu’un adolescent peut s’adresser à son père avec politesse et à sa mère avec insolence. Tout dépend de la façon dont vous tolérez qu’on vous traite.

Imaginons que notre adolescent nous parle avec insolence puis revient quelques heures plus tard avec une demande urgente pour un transport, sans même excuser son attitude inacceptable. C’est le respect de soi qui nous donnera la force calme et maîtrisée de lui demander des excuses sincères avant d’accéder à sa demande. Et quand notre enfant nous appelle à dix reprises chaque soir une fois couché, qu’il n’écoute qu’après cinq consignes, qu’il laisse ses jouets traîner, qu’il critique nos repas, c’est par respect de soi que nous mettrons une limite à ses habitudes en appliquant une conséquence avec constance, même s’il en pleure toutes les larmes de son corps.

Le respect de soi avant tout!            

Si la relation à nos enfants exige une dose d’amour immense et un don de soi grandioses ainsi que certaines concessions, aucune relation, aussi importante soit-elle, ne devrait être vécue au détriment du respect de soi. Car immanquablement, le chemin de la négation de soi que l’on emprunte pour ne pas perdre la relation à l’autre mène à une perte beaucoup plus grande encore, celle du respect dans la relation, un respect qui ne se gagne que par un habile mélange de considération pour soi et pour l’autre.