Le déséquilibre relationnel pouvant exister dans un couple est la plupart du temps responsable de l’infidélité de l’un et/ou de l’autre. C’est lorsque certains besoins (affectifs, sexuels ou autres) sont non satisfaits que la probabilité d’un comportement infidèle augmente. Et il suffit d’un seul besoin non satisfait pour mettre le couple en péril.
Au début des histoires d’amour
Les deux partenaires sont désireux de construire la relation et incertains de pouvoir y arriver. Les deux augmentent donc leurs comportements séducteurs afin de s’assurer le contrôle émotionnel de l’autre, développer la certitude d’être aimé et conjurer leur peur d’être rejetés. C’est le côté fusionnel ou passionnel du paradoxe. Les hommes sont charmants, prévenants, attentifs et communicatifs. Les femmes sont belles, valorisantes, toujours d’accord et sexuellement réceptives. Les deux sont amoureux, passent un maximum de temps ensemble, fantasment et tout le reste est dans l’ombre. Toi et moi ne faisons plus qu’un. Chacun cherche à remplir son vide existentiel et à exorciser sa peur de la solitude souvent vécue comme isolement.
Après un certain temps, généralement après douze à quatorze mois
Le besoin de fusion passionnelle s’estompe pour faire place à un amour plus tranquille. L’autre pôle du paradoxe, le besoin d’autonomie, fait alors surface. C’est inévitable puisque la satisfaction d’un besoin fait disparaitre ce besoin : manger fait disparaitre la faim. Être assuré que mon partenaire est acquis diminue mon désir de le conquérir. La passion tue le désir qui ne peut renaitre que de la frustration de ce désir. « Je t’aime, je nous aime, mais j’existe aussi en dehors de toi et de nous et je veux me réaliser en tant qu’être autonome. J’ai besoin de m’éloigner de toi pour pouvoir à nouveau te désirer. »
Le fragile équilibre conjugal
Si les besoins de fusion passionnelle et d’autonomie personnelle étaient équivalents chez les amants, il existerait un équilibre conjugal parfait. Les deux amants oscilleraient de la fusion à l’autonomie, sans heurts et de façon parallèle. Mais, ne soyons pas dupes, la réalité est tout autre : deux personnes ne peuvent avoir le même besoin d’autonomie et de fusion à chaque moment de leur vie et de l’évolution de leur couple. Le plus autonome des deux, celui dont le besoin de fusion est plus rapidement satisfait, voudra se retrouver seul pour vaquer à des activités autres qu’amoureuses: reprendre contact avec ses amis, investir plus de temps dans son travail, consacrer des énergies à son hobby, réaliser ses projets personnels… Le plus fusionnel des deux, celui dont l’insécurité amoureuse est la plus grande, aura peur d’être abandonné et augmentera ses comportements séducteurs: il voudra fusionner plus souvent, plus intensément, exigera plus de marques d’affection et d’attention et sera plus sensible à tout changement relationnel. Il voudra retrouver l’assurance d’être aimé et reprendre le contrôle émotionnel sur son partenaire.
Il est facile de comprendre, dans ces conditions, que si l’un a le gout de prendre de la distance au moment précis où l’autre a besoin de fusion s’installera un déséquilibre dans la satisfaction des besoins fusionnels et d’indépendance entre les amants et une certaine lutte pour le pouvoir. Plus l’un s’éloigne, plus l’autre se rapproche; plus l’autre se rapproche, plus l’un s’éloigne. C’est ce que j’appelle le principe de l’ombre. Plus l’un devient dépendant de l’attention de l’autre, plus l’autre se sent piégé et moins il a le goût de se rapprocher: il devient alors contredépendant. Très souvent, l’un devient critique et l’autre, défensif. La lutte pour le pouvoir qui s’en suit, chacun voulant que l’autre réponde à son besoin de fusion ou d’autonomie, crée les conditions idéales pour les disputes de couple et des comportements symptomatiques, telle l’infidélité.
Lorsqu’un couple se trouve aux prises avec un tel déséquilibre, une telle lutte pour le pouvoir, les deux partenaires sont susceptibles d’infidélité. Le contredépendant, appelé aussi dominant, voudra créer ailleurs une ou plusieurs relations dans lesquelles il se sentira libre d’aller et venir, sans aucun engagement étouffant. Le dépendant, appelé aussi dominé, voudra chercher ailleurs l’attention ou la valorisation que son partenaire ne lui accorde plus, se confirmant en même temps qu’il est digne d’amour.
Il n’y a aucun doute que l’infidèle est responsable à 100 % de son passage à l’acte, mais il n’est que coresponsable du déséquilibre à la base du symptôme. Le symptôme, soit l’infidélité, aurait pu être tout autre. Beaucoup d’hommes utilisent le travail comme prétexte pour conserver une distance de leur partenaire devenue dépendante émotive; beaucoup de femmes compensent la perte de fusion romantique par la fusion maternelle. C’est pourquoi je parle aussi d’infidélité affective. Pour moi, est aussi infidèle la personne qui entretient une relation sexuelle ou amoureuse à l’extérieur de son couple que la personne qui devient « workaholique » ou qui se limite à son rôle parental.
Il serait facile, comme certaines approches thérapeutiques ont cherché à le faire, de demander au partenaire plus autonome de rassurer celui qui se sent abandonné et de passer plus de temps avec lui. Mais pourquoi ne faire reposer la responsabilité du déséquilibre relationnel que sur les épaules du dominant? On pourrait tout aussi bien demander au dominé d’être patient et d’attendre que l’autre ait un regain de son désir de fusion, une fois satisfait son besoin d’autonomie.
Le paradoxe
Tous les couples doivent apprendre à gérer ce paradoxe de la passion et à accepter qu’il y ait un certain déséquilibre dans leur relation émotionnelle, que les besoins de fusion ou d’autonomie ne soient pas immédiatement satisfaits au moment de leur apparition. Oui, le contredépendant devrait rassurer son partenaire, mais le dépendant devrait laisser son partenaire libre d’aller et venir. L’intimité n’est pas la fusion, mais bien un espace, un temps, un territoire entre des moments de fusion et des moments d’autonomie, entre la distanceet la symbiose.
On sait que la lune de miel dure généralement de deux à trois ans, que la lutte pour le pouvoir s’intensifie au cours de la 3e et la 4eannée, lesquelles correspondent souvent à l’arrivée d’un premier enfant (l’éducation de l’enfant constitue la source la plus importante de dispute dans un couple) et qu’il y a augmentation du taux d’infidélité dans l’année suivant l’arrivée d’un enfant. Donc, plus le temps passe, plus diminuent les probabilités de divorce et d’infidélité probablement dû au fait qu’un certain équilibre relationnel satisfaisant s’est installé dans le couple. Toutefois, le taux de divorce et d’infidélité peut s’élever en tout temps suite à un moment critique (maladie d’un partenaire, perte d’emploi, mort d’un être cher, départ des enfants…).