J’ai souvent entendu, tout comme vous probablement, que le compromis était l’ingrédient magique de l’harmonie sociale, de toutes les relations et particulièrement des relations de couple. Tout comme vous, j’ai appris à « mettre de l’eau dans mon vin », à remettre en question et diminuer mes attentes, à limiter mes préférences et à taire mes désagréments. J’exagère, sans aucun doute, mais pas tant que ça.
Le modèle qui s’est dessiné pour moi à travers ces expériences de vie est le suivant : ou bien je tiens mordicus à ce que je veux et je fais fi de l’autre – et on verra bien si la relation tient le coup, ou bien je lâche ce qui est important pour moi pour que l’autre ait ce qu’il ou elle veut – et ainsi on sauvera la relation et on maintiendra l’harmonie. Comme je l’ai appris plus tard, à travers mes parcours de formation en communication non-violente et en médiation, ces options sont campées dans ce qu’on appelle des « positions ». Les positions s’inscrivent dans un paradigme de gagnant-perdant : si je gagne quelque chose, c’est que tu perds quelque chose, et vice versa. La notion de compromis a fini par s’imprégner d’une saveur d’atteinte à mon intégrité, de manque de respect envers moi-même et envers l’autre.
Or, lorsque nous apprenons à porter attention sur ce qui se cache sous les positions, à nous laisser toucher par ce qui est essentiel sous les préférences, nous découvrons un autre univers qui nous permet de retrouver le sens partagé de nos décisions communes, de nous mobiliser entièrement envers des possibilités qui nous interpellent sans compromettre l’intégrité de qui que ce soit.
En nous intéressant aux besoins humains fondamentaux qui motivent tous nos gestes et paroles, aux aspirations essentielles, aux motivations nobles qui animent chacun et chacune d’entre nous, nous pouvons :
1) être touché(e) par la demande de l’autre et faire des demandes qui sont plus mobilisantes pour les autres,
2) trouver des solutions communes qui prennent en considération les besoins de tous et, ultimement, retrouver le sens et la joie de participer à des solutions nouvelles, créatives et énergisantes.
Ainsi, quand mon chum me parle d’un week-end de plein air – qui me plait bien à prime abord, et que je me rends compte qu’il imagine un trecking en montagne avec des amis alors que j’imagine un camping tranquille seuls au bord d’un lac, nous avons tous les ingrédients pour un débat où l’un gagnera et l’autre perdra… sauf si nous prenons le temps de creuser un peu. C’est avec une attention délicate que nous tenterons de découvrir les besoins qui se cachent derrière les stratégies proposées : pour mon chum, un besoin de mouvement, d’air, de plaisir – et aussi de prendre de la distance du travail et de tous les travaux de maison qui attendent – de paix d’esprit, quoi. Sur ce dernier point, je le rejoins. Par contre, quand je pense à un week-end de plein air avec lui, un grand besoin de connexion est présent en moi, un élan vers de l’intimité après toutes ces semaines d’affilée de grand focus sur notre travail. En prenant en considération les besoins de mouvement, de plaisir, de paix d’esprit et de connexion, nous pouvons tous les deux ressentir un grand enthousiasme pour une randonnée pas trop exigeante, à deux, avec de bons moments ensemble. Et vous l’imaginez sans doute, selon les personnes et les besoins impliqués, une panoplie de solutions peuvent prendre forme, chacun(e) sachant ainsi que sa réalité est sincèrement considérée.
L’exemple est peut-être simple quand on considère les enjeux communs à bien des couples, qu’il s’agisse d’argent, des enfants, de la maison… Et pourtant la pratique est la même :
1) se donner du temps pour explorer sous les positions, sans tenter de convaincre,
2) mettre les besoins activés dans l’équation, avec soin et révérence,
3) entrevoir de nouvelles possibilités qui prennent tous les besoins en considération.
Même si on arrive à une tout autre solution, on veut continuer à mesurer si celle-ci a du sens pour tout le monde. On veut mesurer si nos positions internes peuvent bouger avec élan, au lieu d’amoindrir notre énergie vitale au service d’une relation qui, au final, se mourrait de manque d’implication et de sens.