La réconciliation avec soi-même passe par une période de récapitulation. Vous souvenez-vous, lors de vos études, du temps que vous consacriez à récapituler la matière précise d’un examen, révisant chaque leçon, chaque chapitre? Mauvais souvenirs? Bons souvenirs?
La récapitulation consiste à reprendre point par point, émotion par émotion et, si nécessaire, d’aller de souvenir en souvenir pour revisiter les moments de notre vie que nous n’avons pas libérés; ces souvenirs que nous avons relégués dans le sous-sol de notre inconscient et dont nous avons encore peur… Peur de ressentir à nouveau la blessure, peur de voir une réalité cachée que nous avions fuie par réflexe de protection.
Récapituler pour mieux se réconcilier
Nos protections ont servi à nous maintenir en équilibre pendant des périodes intenses de notre vie personnelle ou familiale. Toutefois, ces protections nous empêchent à la longue de réintégrer notre vie, d’en prendre pleinement responsabilité et conscience.
Récapituler les moments de notre vie que nous avons fuis est un geste puissant de réconciliation. Combien de jugements avons-nous enfouis face à des gestes que nous avons posés et que nous regrettons, des paroles que nous avons omis de dire et qui sont encore prisonnières de notre gorge, ou encore des choix que nous n’avons pas osé faire et qui nourrissent en nous l’énergie du « regret »? Regretter est devenu un acte d’impuissance collectif. Mais que faisons-nous de l’énergie cachée du regret qui nourrit encore des sentiments d’impuissance, de honte et de culpabilité?
Que la vérité soit!
Faire la récapitulation des moments de notre vie qui semblent se répéter, souvent sous des formes différentes, se veut un acte de courage, d’affirmation du choix de guérir. C’est aussi un acte de vérité, d’authenticité qui libère notre force de vie et de créativité. C’est choisir consciemment de sortir de nos placards intérieurs les fantômes qui s’y cachent encore et qui s’expriment sous forme de symptômes physiques, émotionnels ou psychiques.
Vérité, vérité… Si nous n’osons pas nous regarder, et surtout regarder notre passé, nous nous encombrons d’une foule d’émotions et de croyances qui continuent à nous influencer. Il ne faut alors pas se surprendre si notre quotidien n’est que la répétition du passé, un passé qui restera encombré tant et aussi longtemps que nous ne nous engagerons pas à repasser au peigne fin de notre conscience les moments de notre vie qui, aujourd’hui, nous heurtent encore et encore… et encore.
Ce qui est merveilleux dans le fait de porter une attention bienveillante sur un moment de notre vie qui nous revient toujours en mémoire, c’est que cela permet à notre inconscient de nous donner encore plus d’informations sur ce qui s’est vécu vraiment ce jour-là dans notre monde instinctif et perceptuel. En osant revisiter des moments douloureux que nous avions occultés, nous nous donnons accès à toute une banque d’informations qui fut boycottée par notre réflexe de protection.
Quand émergent les jugements…
Dès les premiers moments de la récapitulation viendront sûrement des jugements que nous avons portés sur nous-mêmes ou sur les personnes qui ont été acteurs de ces moments douloureux. Eh bien! Contemplons cet univers de jugements que nous portons, que nous projetons et dont nous nous nourrissons sans être conscients des dommages qui en découlent. « Je me juge, eh bien soit, je me juge! Ok, je me juge et maintenant… Puis-je passer à autre chose? Qu’est-ce que je juge si fort en moi? Suis-je coupable? Qu’est-ce que je n’ose pas regarder? Qu’aurais-je pu faire et que je n’ai pas osé faire à ce moment-là? Je ne me suis pas écouté? Ok, je ne me suis pas écouté et maintenant j’ai le pouvoir de cesser de me juger, j’ai le pouvoir de m’écouter, j’ai le pouvoir de changer… »
C’est ainsi que nous nous donnons accès à un niveau d’informations primitives qui ont besoin d’être libérées, telles des émotions de tristesse, de joie contenue, de honte, de colère qui sont en fait des couches sous lesquelles repose en nous une profonde sagesse. Émane aussi de la récapitulation toute une énergie nouvelle pour qu’elle soit réutilisée par notre être en entier. Ces dimensions nouvelles sont là pour nous apporter une vision plus vaste de l’évènement douloureux, vision de laquelle nous nous sommes coupés pour oublier une souffrance qui fut réellement vécue et qui restera programmée en nous jusqu’à sa libération.
Récapituler quoi au juste?
Qu’avons-nous à récapituler? Ce qui revient constamment dans notre esprit ou dans notre quotidien : flashs, souvenirs, regrets de tel ou tel moment de notre vie ou encore moments où nous avons connu une cassure, une brisure. Même si nous prétendons avoir repris notre vie en main, ce que nous avons évité de rencontrer se représente à nous pour que nous le guérissions. Alors vient le moment de prendre notre courage à deux mains, avec l’énergie du cœur, et d’entamer jour après jour ou semaine après semaine un moment au cours duquel nous revisitons l’expérience qui nous a tant heurtés, brisés et où nous nous sommes séparés de nous-mêmes.
Que ce soit par l’écriture, la parole, ou par l’expression symbolique du dessin, nous réhabilitons ainsi les parties de nous dont nous nous sommes amputés par réflexe de protection. Il y aura sûrement des étapes au cours desquelles les douleurs profondément enfouies se libéreront sous la bienveillance de notre geste, puis viendra ensuite une libération cellulaire. Notre chair respirera à nouveau, notre corps reprendra de sa lumière et nous respirerons différemment. La vision de l’évènement prendra une autre couleur, s’installera alors la réconciliation avec ces parties de nous que nous avons occultées et qui ont besoin de ressentir à nouveau la lumière de notre âme.
Pour que naisse l’authenticité
Récapituler les moments les plus douloureux de notre vie, c’est choisir consciemment de prendre responsabilité de soi à soi, de quitter les zones d’accusation et de victimisation qui nous réduisent à nous nourrir de haine plutôt que de joie.
En cette période de crise mondiale, il est temps de se réconcilier non seulement avec les autres, mais surtout avec nous-mêmes, et ce, en récapitulant les chapitres de notre histoire pour ne plus jamais les répéter inutilement.